Pour une fois la crise de la Covid nous aura permis d’appréhender les risques alimentaires non plus sous l’angle de ses excès mais sous celui de son éventuelle pénurie. Et on a bien expérimenté combien le non-accès à l’alimentation nous ramène à des comportements primaires. A croire que nous étions entrés dans le 21ème siècle, en occultant cette vulnérabilité de devoir nous nourrir, tous les jours…
D’où le focus actuel sur la résilience des secteurs indispensables à notre survie. Tour d’horizon de la notion associée au système alimentaire
Résilience : de quoi s’agit-il ?
En physique le terme désigne la capacité d’un matériau, à résister aux chocs, à la déformation. La notion a été étendue aux domaines de la biologie, de la psychologie de l’écologie… A la différence des matériaux, bien souvent l’état initial ne peut être complétement restauré.
On parle alors de la capacité de certains écosystèmes, individus ou sociétés à se reconstruire, à recouvrer leurs fonctions essentielles après une grave perturbation.
Pour le système alimentaire c’est donc la capacité de la filière (production, transformation, distribution) à garantir à tous une alimentation saine, variée, qualitative et ce quels que soient les aléas rencontrés
Qu’appelle-t-on un système alimentaire ?
« Un système alimentaire est constitué de l’ensemble des éléments (environnement, individus, apports, processus, infrastructures, institutions, etc.) et des activités liés à la production, à la transformation, à la distribution, à la préparation et à la consommation des denrées alimentaires, ainsi que du résultat de ces activités, notamment sur les plans socioéconomique et environnemental » (Source : High Level Panel of Experts on Food Security and Nutrition de la FAO , 2014).
Le système alimentaire français est-il résilient ?
« Plusieurs travaux théoriques et empiriques ont permis de proposer quelques critères de résilience des systèmes alimentaires[1]. On peut par exemple citer :
- la diversité à tous les niveaux, que ce soit celle des productions, des variétés, des pratiques culturales, de la vie sauvage, des acteurs et de leurs interactions… Face à des perturbations multiples et imprévisibles, une plus grande diversité rend le système plus robuste en augmentant les chances que certains maillons résistent mieux. Elle permet aussi une plus grande adaptabilité, par sélection des structures et des pratiques les plus efficaces à mesure que le contexte évolue
- l’autonomie du territoire, c’est-à-dire la possibilité pour les fermes de disposer localement de leurs facteurs de production, de commercialiser et transformer leurs produits sur le territoire, et pour les habitants de subvenir localement à leurs besoins de base. C’est ce que l’on entend par « reterritorialisation » ou « subsidiarité » du système alimentaire
- la modularité et la connectivité du système alimentaire, autrement dit son fonctionnement en unités (jardins, fermes, intercommunalités, régions…) relativement autonomes mais pouvant se soutenir mutuellement. En cas de perturbation, celle-ci se propage plus difficile et l’unité touchée peut rapidement être aidée par les voisines
- la redondance, ou le fait qu’une même fonction soit assurée par plusieurs éléments indépendants du système
- la cohésion des acteurs qui facilite la solidarité, l’implication collective, les prises de décision, la flexibilité des interactions, le développement d’alternative et l’évolution du système
Le système alimentaire français n’est pas suffisamment résilient pour assurer une accessibilité pour tous, à une nourriture saine, de qualité et en quantité quels que soient les aléas…
A la lumière de ces critères, le rapport du Grenier de l’abondance, conclut que le système français est peu résilient car « peu diversifié, dépendant de ressources qui s’épuisent et construit sur la maximisation à court terme de la production. »
Comment renforcer sa résilience ?
Parmi les 11 pistes relevées par l’association Les Greniers de l’Abondance, plusieurs pistes relèvent de l’Economie circulaire comme : favoriser l’autonomie technique et énergétique des fermes en développant des filières locales de conception, de construction et de réparation d’outils.
Nous partageons les pistes préconisant la préservation des terres agricoles avec un objectif de zéro artificialisation nette, la gestion éclairée de la ressource en eau, la restauration de la fertilité des sols et le développement de l’agro écologie.
Certaines pistes paraissent plus incantatoires : augmenter la population agricole, évoluer vers une agriculture nourricière… Et puis bien sûr nous n’échappons pas à quelques raccourcis sur les semences et la logistique… thématiques complexes et polémiques. Pour autant l’ouvrage dresse un bon panorama des solutions.
Pour finir, une BD pédagogique et poétique
Les solutions existent donc ! Elles sont à la fois individuelles et collectives et devront prendre soin des plus fragiles comme le souligne également cette BD sur ce sujet de la résilience : issue d’une collaboration de As Bean et Refresh pour le Contrat de Quartier Durable Athénée, et réalisée par Romane Thieffry.
La première planche s’ouvre sur feuille emportée par les bourrasques de vent dans une rue déserte. Histoire de rappeler que l’être humain n’est pas invincible et que nos sociétés sont fragiles. L’ouvrage revient sur les causes de la situation actuelle et pointe qu’un système sera d’autant plus résilient qu’il sera local, diversifié, transparent et circulaire.
La dimension humaniste et inclusive n’est pas oubliée pour que les plus exposés ne soient pas soient pas laissées pour compte. La BD prône le bienfait des élans collectifs, soulignant combien l’intelligence collective[2] est source de solutions prenant pour preuve l’attrait des circuits courts pendant le confinement.
Au-delà des débats sur la définition et ses solutions, on comprend assez vite que pour passer à l’opérationnel, la donnée va être centrale. Quels indicateurs va-t-on suivre pour rendre compte de la capacité de notre système alimentaire à encaisser les prochains chocs qui ne manqueront pas d’arriver ?
Dirigeante, fondatrice
Valsendo : la boussole des organisations professionnelles
[1] 99 Servigne P. (2013) Nourrir l’Europe en temps de crise. Vers des systèmes alimentaires résilients. Rapport au Parlement européen. 100 Tendall DM. et al. (2015) op. cit.
[2] Lire à ce sujet notre e-book : « Les 5 clefs de la créativité collective ». Le téléchargement est offert sur ce lien