Temps de changer de thermomètre ?

, le

Malgré ses défauts, le PIB : Produit Intérieur Brut  jouit d’une remarquable longévité.

 

Rappel historique

C’est à la suite du krach boursier de 1929, qu’émerge aux États Unis la notion de PIB Produit Intérieur Brut.  Il s’agit dans un premier temps d’évaluer les effets de la Grande Dépression. Ensuite, avec l’homogénéisation des comptabilités nationales le PIB devient le moyen de comparer les économies des pays. Simon Kuznets[1], son inventeur avertissait dès 1934 le congrès américain sur ses limites :

«La mesure du revenu national peut difficilement servir à évaluer le bien-être d’une nation » Ce qui n’a pas empêché le PIB une fois amélioré par John Maynard Keynes[2] et ses équipes, de devenir l’indicateur phare de la santé d’une nation estimée à travers sa croissance.

Que mesure le PIB ?

Le PIB mesure  la valeur monétaire de l’ensemble des biens et services produits par la nation au cours d’une année et c’est par comparaison de sa valeur d’une année à l’autre et sur longue période que l’on apprécie l’augmentation, la stagnation ou la diminution de la richesse d’une société.

 

Un Indicateur imparfait

Or le PIB présente des défauts, connus dès son origine :  il ne prend pas en compte toutes les activités d’un pays. Par exemple, il exclue le travail bénévole associatif, le travail domestique non rémunéré  (ménage, jardinage), le marché noir.

Il intègre des activités comme l’armement mais ne décompte pas le coût environnemental des activités économiques. De même, il n’incorpore aucune donnée sociale comme le temps passé à s’informer ou à se distraire sur le web, ou bien la pénibilité d’un travail. Il ne mesure donc ni la pauvreté ni les inégalités sociales.

Le PIB progresse avec : Le PiB recule Le PIB ne bouge pas avec
Les exportations d’armes

Les réparations de dommage de toute nature, tels que les accidents de voiture

Les catastrophes naturelles, les problèmes de santé ou les atteintes environnementales.

Quand il y moins d’accident de voiture

Quand une femme épouse son médecin

Les inégalités

Les disparitions d’espèces

Les services rendus entre voisins

Le commerce entre particuliers sur les marchés aux puces,

Les bourses d’échange ou les plateformes Internet.

Les activités illégales :  trafic de drogue…

Source : Les Echos Week End10 oct 2020

Plus les préoccupations écologiques et sociétales se sont faites prégnantes au passage sur du 21ᵉ siècle plus l’utilisation de cet indicateur monétaire et financier basé le profit des entreprises, s’est révélée contre-productive.

 

Entrer dans le système pour le faire évoluer

Pour Bertrand Badré [3]interrogé par Gregory Pouy dans son podcast Vlan[4], il serait plus opportun de parler de développement que de croissance. Selon lui, l’économie de marché est ce qu’on a fait de mieux pour allouer des ressources sous contraintes.  Mais le capitalisme est comme l’eau qui suit la ligne de plus grande pente. Il faudrait lui adjoindre 2 digues pour le canaliser vers plus de durabilité : la pression du marché, d’une part et la contrainte  réglementaire de l’État d’autre part. C’est ainsi qu’à côté  du risque et du rendement, il faut faire entrer un troisième indicateur dans la finance  la mesure des impacts. « Plutôt que de poursuivre la chimère d’abattre un système, il faut entrer dedans dans le système pour le faire bouger ! »

En mai 2017, en créant le fond  d’investissement Blue Like an Orange sustainable capital, Bertrand Badré s’est fait le chantre de la finance responsable :

 « Nous avons passé beaucoup de temps à développer aussi bien des outils de notation et de mesures d’impact », explique t il . « Quand nous investissons dans une entreprise, nous demandons aux dirigeants de s’engager sur deux ou trois objectifs de développement durable. La création d’emplois, l’égalité homme-femme, la prise en compte de l’environnement naturel et l’innovation, sont les critères qui pèsent pour plus de 50 % dans nos analyses ».

 

Changement de paradigme en vue ?

La finance durable avance, donc… Mais le PIB lui n’a pas l’air de beaucoup bouger.  Combien de temps encore pour atteindre le fameux point de bascule ou les 10% à 20% des » first adopters » ayant modifié radicalement leur modèle d’affaires entraineront le marché ?

 

Valérie SENE

Dirigeante, fondatrice

VALSENDO, la boussole des organisations professionnelles

 

 

[1] Simon Smith Kuznets (1901-1985), économiste et statisticien américain d’origine biélorusse, Nobel d’économie en 1971.

[2] John Maynard Keynes (1883 – 1946) économiste, haut fonctionnaire et essayiste britannique, fondateur de la macroéconomie keynésienne récusant  que l’économie de marché se régule spontanément pour atteindre le plein emploi de ses ressources et prônant l’intervention de l’État, garant de la santé économique du pays.

[3] Bertrand Badré, (1966 -) Ex-directeur général de la Banque mondiale en 2013, ex-directeur financier du Crédit Agricole et de la Société Générale. Fondateur du fond d’investissement responsable Blue Like an Orange. Il publie en sept 2020 un essai politique : Voulons-nous (sérieusement) changer le monde ? (Éditions Mame)

[4] https://www.gregorypouy.fr/podcast-1/episode/1cf62795/145-la-finance-est-elle-lennemie-de-lecologie

 

Laisser un commentaire