Coté collaborateur le télétravail semble plébiscité : meilleur équilibre pro – perso, économie (notable) des temps de transport, gain de productivité. Côté employeur, il présente des opportunités : levier d’attractivité pour les nouveaux talents, redéploiement des espaces de bureaux, dynamisation de nouveaux territoires, La crise COVID a mis un coup d’accélérateur à sa généralisation. Et un retour en arrière ne semble guère envisageable. A-t-on autant changé de paradigme ? Tour d’horizon
Qu’appelle t on télétravail ?
En France, le télétravail désigne une organisation du travail qui consiste pour le télétravailleur :
- à exercer, de façon régulière et volontaire, un travail qui aurait pu être effectué dans les locaux de l’employeur, hors de ces locaux
- en utilisant les technologies de l’information et de la communication (ordinateurs fixes et portables, Internet, téléphonie mobile, tablette, fax, etc.
Sur le plan juridique, l‘ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail est venue clarifier et assouplir les conditions de mise en œuvre du télétravail : la possibilité d’y recourir de manière régulière ou occasionnelle, peut se faire par simple accord entre les deux parties et n’a pas besoin d’être formalisée dans le contrat de travail. Sa pratique est mieux encadrée, et les acteurs sont mieux protégés sur le plan juridique.
Les grèves et la COVID ont boosté le recours au télétravail
En 2009, Centre d’Analyse Stratégique évalue la proportion de télétravailleurs à 8,4 % en France, la même étude situant la moyenne européenne à 17,7 % [1]
Les causes du retard en France, sont multiples : conservatisme managérial, déficit d’infrastructures numériques de qualité, retard dans l’appropriation des outils en lien avec la sécurisation des données et la gestion de la vie privée.
En mars 2018 le sondage d’OpinionWay montre que pratiquement plus de 3 salariés sur 4 sont favorables à la possibilité de « télétravailler » quelques jours par semaine : (79% de réponses positives) ; un constat plus intense chez les cadres (89%) et les managers (84%). A contrario, les non-cadres (76% de réponses positives) sont moins positifs à l’idée de ce télétravail ; et plus précisément les ouvriers (70%) de par la nature même de leur travail qui n’est pas compatible avec le télétravail. [2]
Ce que la crise est venue chambouler :
D’après Yougov France, pendant le confinement de mi-mars à mai 2020, le taux de télétravail a bondi à 25% en France (dont 45% à Paris), 3 mois après il s’établit à 15% en moyenne dont 22% à Paris
Si c’est l’absence de trajet domicile bureaux qui est unanimement saluée comme avantage, la perte de lien collectif est le principal inconvénient mentionné
La bascule en télétravail s’est faite relativement facilement pendant le confinement, avec assez peu d’accompagnement. Chacun expérimentant comme il le pouvait ces conditions de travail à distance. Cependant, d’après l’Etude Malakoff Humanis [3], il ne faut pas sous-estimer l’augmentation de la charge mentale pour 30% des salariés, en particulier ceux avec enfants. 25% des salariés allant jusqu’à déclarer que leur santé s’était dégradée.
A l’avenir ?
75% des salariés et 65% des dirigeants sont convaincus que le télétravail va continuer à se développer au cours des 5 prochaines années. Et plus d’un quart des entreprises (dont l’activité le permet) se déclare prêt à le proposer en cas de situation exceptionnelle.
De même 85% des DRH interrogés par l’ANDRH en juin 2020 considèrent que le développement du télétravail de façon pérenne est souhaitable. Toutes les fonctions n’ont pas basculé de la même façon. Les entreprises s’orientent vers des modèles hybrides d’adoption du télétravail. A terme, 60% des 458 entreprises ayant répondu, prévoient qu’une proportion de plus de 25% de leurs collaborateurs pourra passer en télétravail (sur une moyenne d’environ 2 jours par semaine)
L’enjeu de l’accompagnement et du management
Peu d’accompagnement sur la prise en main des outils et leurs risques a été fait pendant le confinement, auprès des salariés. Ces derniers ont été peu demandeurs. Les Managers, en revanche, ont rencontré de vraies difficultés à maintenir la cohésion et la communication au sein de leur équipe.
En effet, le mode Visio coupe, tout le retour d’informations liées aux micro-expressions du visage et aux mouvements du corps. Il demande donc un effort de concentration important. Paradoxalement, pour maintenir le collectif, il faut renforcer le mode d’échange en bilatéral. C’est également l’occasion d’inventer d’autres modes de management en se détachant des modes traditionnels très contrôlants.
Car c’est cette flexibilité et cette autonomie nouvelle qui sont saluées par les collaborateurs.
Une question de confiance…
La demande de pouvoir panacher du présentiel et du distanciel est forte. Parfois, certaines Directions Générales se montrent réticentes, considérant toujours le télétravail comme un temps plus ou moins improductif. Le fond du problème réside dans la prédominance d’un mode managérial rigide et vertical vasé sur le contrôle. Or comme le dit Mickaël Cabrol dans une tribune Maddyness [4] c’est la flexibilité qui tend à devenir le maître mot pour affronter l’incertitude et la complexité croissante :
« La flexibilité, ce n’est pas la liberté de faire ce qu’on veut, mais un cadre régi par la confiance mutuelle. On a tort de penser que concéder de l’autonomie est un risque : si vous responsabilisez les équipes, sans cesser de les accompagner, de les « coacher », les salarié·e·s s’efforceront le plus souvent de justifier la confiance qu’on a placée en eux et en elles. »
S’auto – administrer ce que l’on promet aux parties prenantes !
La crise amène à reconsidérer la place du travail, interroge son sens nécessairement consubstantiel du reste de sa vie. Les attentes et les priorités changent. Et l’équilibre vie personnelle/ professionnel est remis en cause. Les réponses des entreprises ne sont pas ailleurs que dans la traduction opérationnelle de leurs intentions RSE à commencer par leurs process RH. Imaginer des deals gagnants gagnants, inventer de nouvelles modalités de coopération en adéquation avec les attentes sociétales. Pourquoi faudrait-il que le cordonnier soit toujours le plus mal chaussé ? Mais s’autoadministrer ce que l’on promet aux parties prenantes n’est pas si simple.
Valsendo peut vous accompagner. Voir notre article sur notre Atelier.
Dirigeante, fondatrice
Valsendo : la boussole des organisations professionnelles
[1] Source : archives.strategie.gouv.fr
[2] Source : opinion-way.com
[3] https://newsroom.malakoffhumanis.com/actualites/malakoff-humanis-presente-les-resultats-de-son-etude-teletravail-2020-f40d-63a59.html
[4] https://www.maddyness.com/2020/07/20/tribune-revolution-culturelle-entreprises/