Le télétravail : bof !

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Avec le re – confinement, les Français expérimentent  de nouveau le télétravail en situation de Continuation d’Activité à Distance (CAD). La France n’est pas une grande adepte du travail à distance. En tant normal,  le recours au télétravail se stabilise autour de 15 % selon le sondage Yougov[1] Au-delà des effets  conjoncturels (même s’ils ont tendance à durer !), existe-t-il des  freins plus structurels au développement du télétravail ?

 

Tout le monde n’est pas adepte du télétravail

Certaines entreprises restent réfractaires au télétravail en particulier dans les métiers créatifs ou l’émulation collective est nécessaire. D’autres entreprises ont besoin des interactions relationnelles, de terrain dans leurs activités de service ou commerciales.

Coté collaborateurs, beaucoup ont été soulagés de pouvoir retourner au bureau ; en particulier les parents avec jeunes enfants, et/ou les familles « petitement logées ».

Les syndicats sont aussi sur le pont quant aux modalités d’application. Les négociations sont en cours pour  sécuriser la notion de volontariat, interdire la généralisation à une semaine entière, encadrer le droit à la déconnexion en distinguant bien les 2 types de télétravail : CAD et régulier

Spécificités françaises

Plusieurs raisons culturelles expliquent en France, le mouvement de flux et reflux constaté. La carte des différences culturelles mise au point par Erin Meyer, professeure à l’INSEAD, est un outil précieux de compréhension. 3 clés sur les 8 exposées, sont éclairantes :

Communication : contexte faible ou contexte élevé ?

Dans certaines cultures comme aux États unis ou aux Pays-Bas, la communication doit être efficace, claire et explicite.  Pas besoin de beaucoup contextualiser. À l’opposé au Japon, il faut savoir « lire l’air » c’est-à-dire entrer dans les subtilités de l’implicite, du second degré et du langage paraverbal.

La France se situe en position médiane. Tout ce qui va autour de la signification stricte des mots est important. Les outils de visio conférence coupent toute une partie de ces précieuses informations. Ce qui rend la communication moins efficace, et requiert une attention plus soutenue.

Le mode managérial : vertical ou horizontal ?

En France nous sommes sur un mode de management hiérarchisé plutôt contrôlant, là où les pays du nord sont sur des approches plus égalitaires.

Le télétravail a tendance à rebattre les cartes du fait de l’autonomie laissée. Il aplatit l’organigramme. Et il peut mettre mal à l’aise les managers attachés « aux signes extérieurs d’autorité ». À distance, il est difficile d’être au courant de tout. Ceux qui pensent toujours que le pouvoir vient de (la rétention d’) l’information plutôt que de son partage seront peu enclins à favoriser le télétravail.

La confiance cognitive ou affective ?

Dans certaines cultures professionnelles, la confiance dépend plutôt des tâches, Erin Meyer parle de confiance cognitive. Pour construire la confiance, il faut prouver sa fiabilité dans les tâches que l’on effectue, alors que dans d’autres cultures, elle dépend plutôt des relations correspondant à une confiance affective : il faut partager des repas et apprendre à connaître ses interlocuteurs.

La France se situe en position médiane entre les États-Unis et les pays du nord orientés « tâches » et l’Asie, la Russie orientée « relations ».

Le télétravail coupe ces moments de convivialité autour de la machine à café, au restaurant d’entreprise ou en déjeuner à l’extérieur. Et on sait l’attachement des Français pour la pause du midi, beaucoup plus longue que chez nos voisins britanniques par exemples. Entre midi et 2, on ne partage pas seulement un repas mais également de la socialisation et de la commensalité. Toutes choses bien plus délicates à réaliser à distance.

Interpellation sur le sens du travail : à la maison et au bureau

Au-delà de ces réticences culturelles bien françaises, nous pouvons nous interroger sur l’hiatus à importer dans l’univers domestique, une bulle professionnelle. Les sphères professionnelles, personnelles voire intimes se télescopent. Des réaménagements non seulement logistiques mais aussi symboliques sont nécessaires. Leurs conséquences ne sont pas encore perceptibles.

 

De même au bureau, la raison d’être du « pourquoi sommes-nous ensemble » peut être durement éprouvée. Qu’est ce qui fonde notre collectif ? Voir à ce sujet notre article

 

En conclusion, le phénomène du télétravail a des répercussions vastes au plan individuel et collectif. Et nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour en mesurer tous les impacts. Souhaitons que le solde de ses conséquences aille dans le sens de l’amélioration de la fameuse QVT[2] !

Vraiment moche ce sigle !

   Valérie SENE

Dirigeante, fondatrice

Valsendo : la boussole des organisations professionnelles

 

[1] Sondage Yougov pour la société Cardiosens début août 2020, auprès de 4.000 personnes en France et autant  au Royaume-Uni

[2] Qualité de Vie au Travail

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