La Redevabilité, anti dote du désengagement citoyen

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La Convention Citoyenne sur le climat a démontré la puissance de l’intelligence collective.  Pour peu qu’une communauté de personnes soit informée et formée aux enjeux du développement durable, elle est parfaitement capable de comprendre, de s’engager et de faire des préconisations. Mais pour pérenniser la dynamique, il est nécessaire que la transparence, le respect de l’opinion de chacun et le suivi des propositions soient mis en place.  L’importance du dernier point est méconnue mais il est indispensable pour contrer un certain désenchantement voire un retrait de la participation à l’action collective.

Renforcer la redevabilité pour susciter la participation citoyenne

Dans son avis paru en octobre 2020, sur l’engagement citoyen au service du développement durable[1] le CESE indique : « Les personnes engagées dans une participation citoyenne n’auront pas le sentiment d’être instrumentalisées et seront incitées à s’engager si toutes les garanties leur sont données sur l’indépendance de la procédure de participation et le fait que le décideur va y répondre de manière extrêmement claire et de manière la plus contraignante possible […] Le projet concerné ne pourra pas s’engager dans l’étape suivante du processus tant que la redevabilité liée à cette participation sera jugée incomplète […] »

Qu’est que la redevabilité ?

Pour le dictionnaire, la redevabilité engage une personne à payer ses dettes à un organisme ou rendre service à quelqu’un.

En anglais le terme est  accountability  issu de la double racine counting et answering  / calculer et argumenter est traduit en français par responsabilité, redevabilité ou imputabilité.

Le concept de redevabilité est donc intimement lié à celui de responsabilité, de contrôle et de confiance. Selon les disciplines les acceptions diffèrent et se recoupent :

« Les auditeurs le conçoivent comme un problème numérique ou financier, les spécialistes en sciences politiques comme un impératif politique, les légalistes comme un arrangement institutionnel et les philosophes comme une dimension de l’éthique (Sinclair, 1995) »[2]

Les 4 grands principes :

La redevabilité dans le champ social et politique doit satisfaire 4 principes [3] :

  • Partage de l’information et transparence afin de permettre à toutes les parties prenantes concernées de disposer des informations pertinentes.
  • Participation et l’engagement des parties prenantes pour permettre aux principaux intéressés de jouer un rôle actif dans les activités et les prises de décision les impactant.
  • Mécanismes d’avis et de plaintes pour garantir que les informations et les réclamations seront examinées comme il se doit, qu’on y donnera suite.
  • Évaluation et l’apprentissage pour assurer la mise en place d’un processus d’amélioration continue.

Tour d’horizon de la redevabilité

Dans le domaine de l’humanitaire

La redevabilité s’avère nécessaire pour les organisations qui fournissent une aide humanitairequi agissent au nom des personnes en situation de crise (catastrophe, conflit, pauvreté). Si d’un côté ces organisations exercent un pouvoir significatif dans le cadre de leur intervention d’urgence, à l’opposé les personnes « cible » n’ont aucun moyen de contrôle officiel. Souvent, elles n’ont que très peu d’influence pour demander des comptes. C’est dans cette optique qu’a été mise en place  la Norme humanitaire fondamentale sur la qualité et la redevabilité (CHS : Core Humanitarian Standard). Elle est structurée autour de neuf engagements. Elle détaille ce que le personnel engagé dans une action humanitaire doit faire, pour mettre systématiquement en œuvre des programmes de haute qualité et être redevable envers les personnes assistées.

Dans le champ de la protection des données

Aujourd’hui il est presque indispensable de renseigner ses données personnelles pour accéder à une page web ou à un service Depuis 2018, le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), vient responsabiliser les organismes à la collecte et réglementer les usages. L’objectif est de rassurer l’internaute dans son utilisation du web afin qu’il n’ait pas de craintes, quant au traitement de ses données personnelles.

La  CNIL, le “gendarme des données personnelles”, a gardé le terme d’accountability pour « … désigner l’obligation pour les entreprises de mettre en œuvre des mécanismes et des procédures internes permettant de démontrer le respect des règles relatives à la protection des données. »

Il s’agit donc pour les acteurs de documenter leur conformité notamment en mettant en place des procédures adaptées pour garantir une transparence dans la collecte et le traitement des données et un droit d’accès à ses donneées pour l’usager.

 

La sollicitation d’avis en management

Frédéric Laloux, dans son livre « Reinventing organizations » souligne le côté vertueux, mobilisateur et efficace pour les entreprises qui l’ont adoptée, de la « sollicitation d’avis » (Advice process). 

« Avec la sollicitation d’avis, toute personne est habilitée à prendre n’importe quelle décision, mais doit solliciter l’avis de ceux qui sont concernés et des spécialistes du sujet. »

Dans les principaux avantages décrits, on retrouve à la fois des éléments de posture et de circularité du process ainsi entretenu :

  • Responsabilité : c’est la personne ou l’équipe qui endosse la décision qui porte l’entière responsabilité.
  • Appartenance : les personnes consultées se sentent de fait valorisées tout en étant autorisée à donner leur avis en toute transparence et liberté.
  • Formation : le brassage des idées, opinions, contributions est un processus apprenant entre pairs qui profite aux porteurs de projet comme à la communauté.
  • Circulation de l’information : la fluidité des échanges amène l’information au bon endroit, au bon niveau de partage, sans enjeu de pouvoir ou de rétention.

Conclusion :

La question de la redevabilité est partout, dans les entreprises, les institutions publiques, les écoles…. Elle est en passe de devenir une obligation sociétale pour l’éco citoyen qui veut reprendre de la maitrise sur son avenir

Et c’est aussi la meilleure façon de boucler la boucle pour entretenir la mobilisation et l’engagement car comme le dit  Dennis Meadows[4], (le mari de Donella 😉 !

« Toute solution qui veut être efficace à long terme doit permettre aux gens de prendre en charge leurs propres problèmes. »

Valérie SENE

Dirigeante, fondatrice

VALSENDO, la boussole des organisations professionnelles

 

 

[1] Il s’agit de voir comment l’acquisition d’une information ou d’un savoir lié au développement durable peut s’articuler avec une implication concrète des enfants, des jeunes, des adultes et des séniors dans le processus de mise en œuvre d’une société plus durable.

[2] Raphaël ZumofenAccountability publique Une analyse synthétique Cahier de l’IDHEAP 2016

[3] https://www.trocaire.org/sites/default/files/accountability_in_practice_french.pdf

[4] Dennis Meadows : scientifique américain, a co écrit en 1972 avec son épouse le célèbre Rapport Meadows. The Limits to Growth quantifie les principales boucles de rétroaction à l’œuvre dans le système terre pour analyser les conséquences d’un mode de développement fondé sur la croissance. Avec un constat sans appel aboutissant à dépassement des limites matérielles.

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