La pub est elle écolo-compatible ?

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La publicité occupe une place particulière dans la société, suscitant des débats sans fin, sur son lien avec le capitalisme. La Convention Citoyenne avec ses 150 propositions a ciblé sa régulation pour mieux prévenir la surconsommation et contrer l’attractivité des produits et services à fort impact environnemental.

Accusée d’encourager des désirs insatiables et de tenir des promesses idéalisées, elle est aussi, fondamentalement, le reflet de son époque. En conséquence, elle n’échappe pas à l’interpellation sur sa responsabilité RSE. Comment se mobilise-t-elle sur le sujet ?

 

La publicité est elle ecolo compatible ?

 «  La  publicité  crée  le  désir  de  consommer,  le  crédit  en  donne  les  moyens,  l’obsolescence  programmée  en  renouvelle  la  nécessité[1]» souligne  l’économiste  Serge  Latouche pour pointer l’aspect systémique et complexe de la question.

Au-delà du strict achat d’espace à vocation commerciale, la publicité englobe finalement toutes les techniques de communication utilisées par un émetteur pour communiquer auprès d’une audience en vue d’influencer l’image, l’attitude et le comportement de cette cible.

Le rôle économique de la publicité et son effet d’entrainement de la croissance ne sont plus à démontrer. Son modèle actuel doit donc s’adapter à un courant général qui remet en cause le principe du « toujours plus »  Or, la publicité est intrinsèquement au service du développement des ventes.

La question de fond est donc de savoir si la publicité  qui cherche à faire consommer davantage, est compatible avec un modèle d’affaires et une vision du monde plus sobre, plus responsable tout en restant attractive.

Le cadre réglementaire bouge sous l’action de l’opinion publique et des ONG.

 

Le cadre réglementaire

Dans la mouvance du Grenelle de l’environnement ,le BVP Bureau de Vérification de la Publicité a été remplacé par l’ARRP : l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité avec un Conseil Paritaire de la Publicité. La loi sur l’Économie Circulaire du 11 février 2020   met en place 7 nouvelles obligations pour réduire l’impact environnemental de la publicité print. Mais, de façon plutôt incompréhensible, elle est restée muette sur la publicité digitale…

  • Interdiction de la publicité agressive hors période de soldes.(pour contrer les opérations de type Black Friday)
  • Interdiction de l’obsolescence marketing
  • Introduction de sanctions en cas de violation du Stop Pub.
  • Fin des campagnes publicitaires sur les pare-brises.

À compter de 2022 23 :

  • Interdiction d’expédier de la publicité avec un emballage plastique.
  • Obligation d’imprimer les prospectus et catalogues sur du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement. Sauf que toutes les enseignes auront basculé sur de la publicité digitale et plus ciblée
  • Interdiction des huiles minérales pour les prospectus et catalogues publicitaires.

 

La profession n’est pas en reste

De même, la profession se mobilise et édicte ses chartes et guides pour partager les bonnes pratiques. Dix ans après sa charte de communication responsable, l’UDA l’Union des Annonceurs a lancé en 2018 son programme FAIRe autour de 15 engagements répartis en 5 thématiques :

  • Élaboration responsable des messages ;
  • Eco-socio conception des supports de communication,
  • Diffusion maîtrisée des communications,
  • Prise en compte de l’ensemble des publics et
  • Relation responsable avec les partenaires.

La profession recommande 2 grands volets d’action pour les annonceurs comme pour les agences.

Agir sur les contenus : en mettant l’accent sur  la diversité et l’inclusion

Et sur la thématique du sexisme, il y a encore du boulot ! La profession a travaillé sur un  guide des représentations des comportements éco-responsables en publicité

 

 

 

Réduire l’impact des actions de communication : par l’écoconception des évènements, des éditions, des vidéos…

Impact direct

Spontanément, on pense à la consommation de papier et d’énergie via internet et bien sûr aux panneaux publicitaires extérieurs. L’impact environnemental des campagnes est rarement interrogé côté annonceurs comme côté agences. Faute d’indicateurs et de statistiques  et à cause d’un biais de perception qui nous en fait minimiser l’incidence. Mais les choses bougent… lentement. Pour exemple, début avril 2021 l’article 8, de la loi Climat  reformulé par un amendement, prévoit que « la publicité diffusée au moyen d’une banderole tractée par un aéronef » est interdite à horizon 2022.

Impact indirect

Tout aussi compliqué à suivre, l’impact indirect concerne la responsabilité de la publicité dans la surconsommation de produits et services. À distinguer des aspects de gaspillage qui peuvent être mieux appréhendés

Aujourd’hui, la publicité est partout dans chaque interstice de nos vies de plus en plus connectées (Nous serions bombardés de 400 à 3000 messages par jour). La frontière entre information et publicité est poreuse. Et le phénomène de mimétisme réciproque s’est amplifié dans la course à la captation de l’attention de l’audience.

 

Porteuse de quelle vision du monde ?

La publicité ne peut plus se dédouaner de sa responsabilité systémique, économique, écologique et politique.

Et comme son discours semble s’être substitué à tous les autres discours collectifs (religieux, politiques …) porteurs de sens, elle apparait comme la seule capable de porter une vision du monde.

Cette vision a longtemps été centrée sur une approche caricaturale du bonheur. Mais le consommateur usager de plus en plus informé et défiant est en passe de prendre la main par ses arbitrages. (Par le biais de son porte-monnaie et des réseaux sociaux  bien plus que par les urnes… mais c’est un autre sujet !).

Dans ce contexte, la pub doit plus que jamais accompagner et s’auto administrer le pivot que nombre d’annonceurs amorcent : une posture plus responsable, plus exemplaire, plus humble pour s’inscrire dans un discours de preuves, en transparence… En un mot virer sur une communication plus informative que publi promotionnelle !

 

Une nécessaire transition

 Avec  Dominique Wolton[2] nous pourrions conclure que «  La publicité n’a pas le pouvoir de faire advenir  des  transitions,  mais  d’accélérer  des  mutations ». Et de souhaiter que ces dernières permettent collectivement de faire « plus commun et éthique » !

Valérie SENE

Dirigeante, fondatrice

Valsendo : la boussole des organisations professionnelles

 

[1]  Serge Latouche, Bon pour la casse, Les liens qui libèrent, 2012, p. 22

[2] Voir l’article sur son dernier ouvrage Vive l’Incommunication 8https://valsendo.com/daccord-sur-rien-mais-ok-pour-negocier/

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