Michelin dès les années 70, en migrant de la vente de ses pneus vers une promesse de vente de kilomètres et donc de mobilité a vulgarisé le concept. Mais celui reste relativement abstrait. Né dans la mouvance du Grenelle de l’environnement, il bénéficie en ce moment de la dynamique autour de l’Économie circulaire.
De quoi s’agit-il ?
C’est un nouveau modèle d’affaires qui change radicalement les relations entre offre et demande : le fournisseur du bien ou service reste propriétaire tout au long du cycle de vie dudit produit et service. L’utilisateur jouit et rémunère l’usage autrement dit, la fonctionnalité qu’il en a.
Grand bénéfice pour « la demande » qui a accès aux dernières versions, à jour du bien ou du service. Et gros changement pour « l’offre », impliquée « solidairement sur toute la (fin) de vie du bien ou service délivré.
L’économie de la fonctionnalité se distingue du concept de location en ce qu’elle s’inscrit dans une perspective de développement durable.
L’économie de la fonctionnalité est souvent associée à l’économie de la coopération. « Ce dernier concept intègre une transformation des interactions des activités sur un même territoire : les acteurs économiques (collectivités et entreprises) coopèrent en mettant en commun des usages afin de satisfaire un besoin tout en limitant les externalités négatives. »(Source : Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire)
L’implantation en France reste encore modeste. Mais les initiatives sont intéressantes à suivre par leur approche systémique qui revisitent :
- les relations client et fournisseur,
- la façon d’innover,
- l’organisation interne
- la considération des ressources immatérielles,
- le lien au territoire
- et in fine les impacts environnementaux.
Un certain nombre de freins demeure et limite l’expansion du modèle
Le panorama national sur l’Économie de la fonctionnalité publiée en mars 2020[1] par l’ADEME permet de cerner les freins essentiels. Ils sont d’ordre financier avec le décalage de trésorerie que le modèle induit et juridique avec des vides assurantiels et des problématiques d’accès aux marchés publics notamment. Mais c’est surtout la méconnaissance de ce modèle et l’enjeu de la confiance entre les acteurs qui semblent être les 2 écueils majeurs :
« L’économie de la fonctionnalité suppose une trajectoire de mise en œuvre longue et complexe, interrogeant tant les représentations que les réalités opérationnelles des organisations, du travail et de la coopération entre acteurs sur un territoire ou au sein d’une chaine de valeur. Il est donc essentiel, pour éviter tout phénomène de découragement, de clarifier à la fois la réelle nature de l’économie de la fonctionnalité comme sa promesse » p 39
Flou du concept
Le concept lui-même n’est pas vraiment stabilisé et de fait l’économie de fonctionnalité se trouve souvent rapprochée de l’Économie Circulaire (comme à l’ADEME), de l’Écologie industrielle et territoriale… D’essence systémique, elle convoque un collectif d’acteurs réunis en filière et/ou territoire. La présence et la motivation d’un noyau dur de compétences plurielles est essentiel pour partager ses visées d’optimisation des flux qu’ils soient matériels, informationnels ou relationnels tout en limitant les impacts négatifs.
D’où un gros investissement à faire sur la sensibilisation et d’accompagnement des structures en particulier privées qui amorcent cette transition en faveur de l’économie de la fonctionnalité.
Sur-promesse
Autre écueil également, une promesse qui peut être survendue alors que les résultats attendus sont souvent très longs à venir, puisque c’est l’ensemble de l’écosystème qui doit migrer.
On parle souvent d’un horizon de temps de 3 à 5 ans pour mettre en place ces nouvelles modalités d’interactions entre acteurs, fondées sur la coopération. Le process est cependant itératif et c’est une succession de petits pas qui parvient à jalonner la trajectoire de transformation.
Mais 2 leviers intéressants et prometteurs
La professionnelle du marketing que je suis, ne peut qu’adhérer à un concept qui part fondamentalement de l’usager et va chercher à optimiser son expérience d’usage.
L’approche est posée dans le bon sens et remonte (par le design thinking par exemple) jusqu’à l’écoconception. C’est là que se trouve le point de bascule du système vers une réelle circularité régénérative.
Autre levier intéressant : la « migration » du relationnel entre acteurs et l’introduction de la notion de confiance. De l’étymologie cum-fides : avec foi, avec ce présupposé de prise de risque et de… Courage. Courage d’oser, courage de s’exposer, courage de… perdre, mais parti pris humaniste dans lequel je veux croire et contribuer !
Dirigeante, fondatrice
Valsendo : la boussole des organisations professionnelles
[1] Source : site de l’Ademe
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