Agro écologie, c’est pas gagné !

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Qu’est-ce que l’agro écologie ?

 

Comme son nom l’indique l’agro écologie tente de réconcilier agronomie et écologie prise ici selon ses 3 exceptions : environnementale, sociale et « individuelle » [1]. Elle se veut écologiquement et socialement plus responsable.

On parle tout à la fois de pratiques, de mouvement, de sciences. En effet, il n’existe pas de définition unique, ni un seul cahier des charges.

Pour Olivier de Schutter rapporteur des Nations unies du droit à l’alimentation, c’est un « ensemble de pratiques agricoles » qui « recherche des moyens d’améliorer les systèmes agricoles en imitant les processus naturels, créant ainsi des interactions et synergies biologiques bénéfiques entre les composantes de l’agroécosystème ». Il s’agit de travailler avec les fonctionnalités naturelles des écosystèmes pour les amplifier, en les rendant plus bénéfiques tout en limitant au maximum les impacts négatifs sur l’environnement. Il s’agit également d’inciter les agriculteurs à produire autrement en repensant leur système de production, en optimisant les ressources et en développement l’agriculture de précision.

 

Grands principes

C’est un peu avant 2000 que Miguel Altieri [2] et Stephen Glisseman [3] posent les grands principes de l’agro écologie :

  • Diversification temporelle et spatiale des cultures (rotation des cultures, cultures multi-espèces).
  • Diversification des espèces cultivées (limitation de la monoculture, utilisation d’espèces adaptées localement)
  • Développement d’écosystèmes de production intégrés basés sur les synergies naturelles (polyculture/élevage, agro-foresterie, agriculture biologique, de conservation…)
  • Application de l’économie circulaire au sein des systèmes agricoles (utilisation d’engrais naturels issus de l’élevage par exemple au lieu d’intrants chimiques).
  • Valorisation des chaînes de production courtes (le système agricole doit fournir les marchés localement avec des produits moins homogènes et plus diversifiés)

 

Au niveau des exploitations

  • infrastructures et découpage des parcelles favorables à la prolifération des auxiliaires naturels et à leur connexion avec les surfaces exploitées (haies, bosquets, talus…), limitation corollaire des intrants phytosanitaires ;
  • réintroduction de la biodiversité des espèces cultivées comme facteur d’amélioration de la production et de la qualité environnementale…

Paysage avec fleursAu niveau des territoires

  • instauration de couloirs écologiques afin d’augmenter et faciliter la communication entre les habitats d’espèces auxiliaires (notamment les pollinisateurs) ;
  • maintien ou réaménagement de zones humides favorables à la biodiversité et à l’épuration des eaux ;
  • pratiques culturales cohérentes, planifiées en concertation des différents acteurs sur le terrain (cultures associées, diversification des variétés, rotations, agroforesterie)…

On voit bien que les approches croisent des dimensions multiples combinant des savoir-faire ancestraux et les dernières connaissances scientifiques qui sont à certains endroits encore lacunaires.

 

Bio et HVE plus vertueux

23 « référentiels », publics ou privés, relevant de l’agroécologie ont été recensés par France Stratégie : agriculture biologique (AB), haute valeur environnementales (HVE), Mesures agro-environnementales et climatiques système (MAEC), fermes DEPHY, Lu Harmony, Ces cahiers des charges ont des modalités de mise en œuvre et de contrôle différentes.

Pour France Stratégie, 2 familles de référentiel s’avèrent plus exigeantes. Il s’agit de ceux de l’Agriculture Biologique : Demeter, Biocohérence, Nature et Progrès et de l’Agriculture à Haute Valeur Environnementale (HVE) option A

 

Comment accélérer la transition ?

L’enjeu de l’investissement en Recherche & Développement pour favoriser l’innovation et les gains de productivité, est bien illustrée par le webinaire du CTIFL (Centre Technique des Fruits et Légumes) de novembre 2020.

Si les chercheurs sont plutôt enthousiastes sur les résultats de leurs essais, ils soulignent bien le manque de références robustes. Ils ont besoin de temps et de financement pour pouvoir transférer, à la profession leurs avancées.

Le développement de ces pratiques présente des risques importants et engendrent des surcoûts qui doivent être assumés par tous les acteurs de la filière.

« Il faut bien que les politiques (absents ce jour au webinaire) et les acheteurs (présents) prennent conscience que toutes ces méthodes ont un coût, qui doit être répercuté sur le prix final. » insiste un producteur.

On revient vite aux problématiques de contractualisation et de sécurisation des prix et des quantités, de part et d’autre de l’amont et de l’aval des filières.

 

Qu’en est-il des consommateurs ?

Le CTIFL constate que les consommateurs sont perdus dans la diversité des labels. Ils ne connaissent quasiment pas le terme d’agro écologie (ils sont 2/10 à le citer spontanément dans l’étude réalisée en oct 2020). 20% seulement se disent prêts à payer plus cher pour ces produits garantis

 

Un énorme effort de pédagogie pour une mobilisation générale !

Ce n’est pas gagné ! Les solutions existent… mais il faut un engagement fort des politiques et des institutionnels. Une mobilisation générale des acteurs de toutes les filières pour faire basculer le système actuel vers cette transition agro écologique. Il va falloir déployer un énorme effort de pédagogie. Et résolument nous devons nous attendre à payer plus cher notre alimentation !

 

Valérie SENE

Dirigeante, fondatrice

Valsendo : la boussole des organisations professionnelles

[1] Félix Guattari dans son ouvrage Les trois écologies parle de l’écologie, environnementale, sociale et mentale =subjectivité humaine

[2] Altieri M.A., 1995. Agroecology : The science of Sustainable Agriculture (2nd ed.), Westview press.

[3] Gliesmann S., 1998. Agroecology : ecological Processes in Sustainable Agriculture, MI : Ann Arbor Presse.

 

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